19/08/2007

Malakal

Ca y est je suis à Malakal ! Je vais essayer de vous décrire le truc mais je ne crois pas que ce soit possible… Par où commencer ? C’est une ville, au bord du Nil, construite en bordure de marécages. C’est la saison des pluies. La boue est partout. Mais quand je dis boue… Jusqu’aux chevilles, partout. Les rues ne sont que boue et marres d’eau qui recouvrent parfois les roues des 4x4. Sur les bords de chaque rue, des égouts qui se mélangent aux marres et aux flaques d’eau. Le marché central, très animé est au milieu de tout ça. Les petites échoppes sont dans la boue, les marchandises se vendent pour beaucoup à même le sol, à même la boue, sur un bout de carton. L’eau ne pénètre tout simplement pas, elle reste en surface. Le piéton est roi, il y a du monde partout, pas mal de vélos. Moi, je ne suis là que pour 6 mois. Mais pour les gens d’ici… Premier achat, le plus important ici : des botes ! Taille 40 pour moi alors que je fais du 44, allez comprendre…

Les quelques magasins d’alimentation ne contiennent que quelques conserves et produits ménagers. Depuis que je suis arrivé, je n’ai mangé que de la ratatouille, du foie, encore de la ratatouille, du poulet, des patates douces, des soupes chinoises en sachet et encore de la ratatouille. Je vais voir avec ma cuisinière quelles sont les possibilités pour varier un peu. Tout est importé, donc très cher. Il pleut beaucoup et quand il ne pleut pas, il fait chaud et humide. Je suis en nage en permanence, faut que je m’habitue ! Les moustiques attaquent à partir de 19h, en force. Le Nil n’est pas loin, mais je n’ai pas encore eu le temps d’aller le voir.

Le compound Handicap est un des plus agréable m’a-t-on dit. C'est vrai qu’on a du carrelage. Bureau et maison sont mitoyens. La douche et les toilettes dans la petite cour, traversée par les eaux usées de la cuisine. L’eau vient directement du Nil ou presque, elle est jaunâtre. Le seau d’eau remplace la chasse d’eau. Dans la maison, presque pas de meubles. Des lits (très inconfortables), une armoire, une petite table en plastique et c’est tout. Mon bureau donne sur la seule route « goudronnée » de la ville : toute la journée je vois défiler des charrettes de fortune tirées par des ânes ou des chevaux. Très peu de voitures en ville. Les vaches, les chèvres, les chiens errants et les ânes trainent partout. Le bureau est pas mal équipé. J’ai hâte d’avoir une vraie connexion Internet. Pour le téléphone, Thuraya (téléphone satellite hors de prix). On va peut être installer une ligne fixe. Pour les communications dans Malakal, radio VHF (genre de talkie-walkie). Tous les soirs, à 19h, je réponds à un appel UN de sécurité sur mon talkie-walkie avec mon « nom de code ». Le truc sympa de ma maison quand même c’est que pour voisin, j’ai une boulangerie ! Donc tous les matins, j’ai des petits pains tout chauds au petit déjeuner. J’ai une mosquée juste derrière. Les appels à la prière rythment mes journées… Depuis 2 nuits, je ne me réveille plus avec le 1er appel, à 5h du matin. Mais les ânes sont de sortie, et ça doit être la saison des amours… C’est peut être le pire de tous les cris d’animaux le beuglement de l’âne ! J’ai deux petits compagnons, des petits chats, visiblement des frères car identiques, inséparables. Je les ai baptisé Jil et Julien. Toujours dans mes pates dans la cuisine, toujours à réclamer à manger. De beaux spécimens d’araignées (les plus grosses depuis l’Australie) peuplent également mon compound…

C’est pas très grand Malakal, mais à cause de l’état des routes, on ne se déplace qu’en 4x4. Couvre feu UN à pied à 20h, en voiture à 23h. La sécurité dans Malakal est correcte pour le moment. Pas forcement dans le reste de l’état, le Upper Nile State. A Malakal, les UNs et les ONGs attendent la fin de la saison des pluies (Octobre-Novembre) avec un peu d’anxiété. Il y a des maladies pas très sympathiques dans la région (choléra entre autre) mais ce n’est heureusement pas l’épidémie. Les inondations actuelles n’aident surement pas…

Pour voisin, j’ai Goal, ONG irlandaise et Solidarités, ONG française. La communauté expatriée est réduite et je crois avoir rencontré presque tout le monde déjà (Action contre la Faim, Médecins du Monde, le CICR, etc…). Sans surprise, les UNs et les ONGs ne semblent pas beaucoup se mélanger. On se soutient pas mal, on me donne des conseils, ce qui me rassure au cours de ces premiers jours. 10 jours que je suis là déjà, j’ai du mal à y croire ! Je m’accorde une pause en ce début de soirée (on est samedi) car je n’ai pas arrêté depuis mon arrivée, 8h-21h tous les jours. Je reprendrais le boulot demain dimanche.

Le boulot : difficile d’en parler, de faire un premier tri. J’ai tant d’informations à emmagasiner, à analyser. Déjà beaucoup de décisions à prendre, de rapports à transmettre. Depuis ce matin, pour la 1ere fois, je suis tout seul. L’ancienne Project Manager est partie. Mon Logisticien basé à Juba venu en renfort est parti. Je suis seul aux commandes. Grosse équipe pour une première expérience en tant que Manager : 18 personnes. Le courant passe déjà très bien avec certains, il est à établir avec d’autres. Tout est à faire ici, beaucoup de Sud Soudanais n’ont connu que la guerre, les compétences sont parfois réduites et les mentalités bien différentes. Je découvre tous les jours des aspects différents du boulot (administration, budgets, rapports, point sécu, logistique, projet lui-même (d’éducation au danger des mines), meetings hebdomadaires avec les autres ONGs et les UNs, avec les autorités), pas forcement simples d’ailleurs (c’est un euphémisme).

Le soir, pas grand-chose à faire bien sur. Je regarde des films sur l’ordinateur ou je me couche tout de suite. On se rend parfois visite entre ONGs voisines. J’ai les oreilles grandes ouvertes, en essayant cependant de prendre du recul car ceux qui sont là depuis plusieurs semaines sont pour certains à bout, physiquement et nerveusement, donc quelques fois un peu amers. Pas mal de malaria aussi, mais moi je prends mon traitement (et j’ai bien sur une moustiquaire) et ceux que j’ai vu malades n’en prenaient pas. Ils ont cependant tous plus au moins déjà récupéré.

Voilà, le tableau est dressé. Je sens déjà que ca va être difficile pour moi de partager cette expérience, dans les premières semaines en tout cas. Mon corps et mon cerveau sont mis à rude épreuve et il va me falloir un peu de temps… Ca n’a rien, mais alors rien à voir avec mon expérience au Rwanda. Pour les photos (je n’en ai pas encore pris), va falloir attendre une vraie connexion Internet, avant la fin du mois j’espère. Je m’arrange tout de même pour lire mes mails de temps en temps. Il est 20 heures, je vais manger et bientôt me coucher.

J’espère que tout le monde va bien, I often think of you all, missing you already ! A bientôt tout le monde !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

on s'y croirait... la gadoue, l'agitation, la tension... de quoi alimenter les conversations des amis et parents restés "au pays" ! "Quelle aventure", comme disait Monsieur Amédée/Dussolier dans "Les enfants du marais". Ta vie est au moins plus originale que la nôtre, et tu auras des souvenirs... Bon courage.
pap

Anonyme a dit…

Dom!
Puto !! C'est toujours bien d'avoir tes nouvelles…vraiment j’aime beaucoup lire tes aventures en Afrique, notamment parce que tu racontes d’une manière très captivant les détailles de la vie quotidienne dans une ville á l’autre coté du monde. Il faut que tu commences à prendre de photos...
Pour la suite…courage… souvienne toi quand on était á NY et tu voulais de l’action !!
 plus.
Hector.

Anonyme a dit…

Ben dis-donc... j'espère que tu aimes la ratatouille! Et les araignées... On a une idée de ton environnement grâce à tes descriptions, mais on attend quand même les photos avec impatience... Bon courage, bon sommeil malgré les ânes... et bonne chance pour ton boulot. Les responsabilités sont lourdes, mais c'est sans doute aussi ce qui fera l'intensité de cette expérience. Biz

Unknown a dit…

ça fait quand meme bien flipper ton truc...mais tu m a l'air tres courageux, et surtout tres determiné..
j espere que tu vas t adapter, et faire ce pour quoi tu es parti: aider
bon courage, je lirai regulierement ce blog
keren